Les coulisses de Majuno

Veronique de Soultrait

Fille d’un aristocrate agriculteur, éleveur de bœufs charolais dans le Bourbonnais tout près de Moulins, Véronique de Soultrait n’imaginait probablement pas que les cordes et ficelles qu’elle manipulait sans y penser dans l’exploitation de ses parents deviendraient un jour le cœur de son art.

Après avoir poliment mais fermement fui la destinée de jeune femme bien mariée que sa noble lignée lui promettait, Véronique de Soultrait a étudié aux Beaux-Arts de Lyon. D’abord peintre, elle s’est longtemps spécialisée dans le trompe-l’œil et les copies. Chineuse invétérée, elle a toujours sillonné les brocantes et collectionné les coussins, nappes et autres linges en crochet « de grand-mère » pour son propre plaisir. Puis, elle a commencé à les transformer en les teignant, elle a étudié leurs formes et techniques avant d’imaginer ses propres motifs.

Petit à petit, une nouvelle matière a remplacé la peinture. Le résultat : des compositions faites de sillons et volutes qui séduisent les architectes d’intérieur et designers du monde entier.

Pourquoi et comment avez-vous décidé de travailler la corde ?

Après le crochet, je suis venue presque naturellement à la corde. J’ai appris seule à la transformer, à l’amadouer. C’est un matériau très rudimentaire au départ, j’aime l’idée de rendre beau le pauvre, le simple. Je vise toujours la simplicité sans jamais céder à la facilité. Les cordes que j’utilise viennent de la région de Saint-Etienne, bien connue du monde de la passementerie, et toute proche de Lyon où je vis désormais. On les destine généralement à la confection, la bijouterie ou les lacets. Il y a sept ans, j’ai monté mon atelier de « cordelière », un nom que je me suis inventée puisque ce métier n’existait pas vraiment.

Quelles sont les spécificités de votre métier de cordelière ?

Ce que nous faisons à l’atelier est au carrefour de la broderie, du tressage ou du macramé mais contrairement à tous ces savoirs, nous ne nouons pas les liens mais nous les collons.  J’ai en quelque sorte inventé la marqueterie de corde. Nous sommes désormais une équipe de cinq précurseurs qui fabriquent des panneaux muraux, des paravents, des têtes de lit ou cette table aujourd’hui pour Majuno.

Par quel processus êtes-vous passée pour imaginer cette table unique ?

C’est la première fois que je crée un plateau pour une table. Après avoir longuement parlé avec Julie qui est à l’origine de ce projet, elle m’a proposé un nuancier de couleurs pour orienter ma réflexion. J’ai pu trouver des cordes en coton ciré qui correspondaient à notre envie sans avoir à les teindre, ce que je fais très fréquemment. Ayant grandi à la campagne, mon travail est depuis toujours influencé par la nature. J’ai également un pays de cœur qui est l’Inde, une région que j’aime pour la flamboyance de ses couleurs, son esprit… Petit à petit, j’ai imaginé ce dessin fait de volutes très colorées, très gaies. Nous y avons ajouté des sillons d’or qui rappellent le laiton. Cette table pourrait s’inscrire dans la collection « strates » que j’ai imaginé il y a quelques années. Mais en réalité, son dessin et sa forme sont uniques puisque je les ai imaginés pour Majuno.

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